La Légende de
Chocota
Il était une fois, dans le royaume de Chocota un roi juste et bienveillant qui adorait le chocolat. Sa faiblesse pour ce produit doux mais délicatement amer en même temps, le rendait un tout petit peu gros. Cela ne le gênait point, mais sa femme la reine n'arrêtait pas de lui faire des remarques :
- Votre Majesté est trop gros. Un tel défaut ne convient point à un roi.
Le mécontentement perpétuel de sa femme irritait le roi mais il n'en souciait pas trop. Néanmoins, un beau jour, la reine alla jusqu'à menacer son mari :
- Si vous n'êtes pas capable de faire des effort afin de maigrir, cela signifie que vous manquez de volonté et vous ne méritez plus ni le respect de vos sujets ni le mien. Faites quelque chose, je vous en prie, sinon, je serai obligée de vous quitter pour le roi puissant et sérieux du royaume de Chocuda.
A ces paroles, le roi fut terriblement alerté mais il ne savait pas comment se mettre à un régime. Il décida donc de demander du secours auprès des gens les plus instruits et les plus avisés de sa cour. Il fit même venir des médecins des contrées lointaines réputés dans la guérison du surpoids. Les conseillers, les ministres et les médecins se réunirent alors pour débattre le sujet du régime du roi. Le séance fut présidé par le roi en personne.
- Messieurs, fit le roi, comme vous le savez, je vous ai fait venir pour résoudre un problème extrêmement sérieux. Je vous prie de le considérer comme une affaire d'état de la plus grande importance. Selon sa Majesté la Reine, ma réputation en tant que roi puissant serait en danger si je ne réussissais pas à maigrir. Avez-vous de bon conseils à me donner ?
Les hommes d'état furent perplexes devant cette demande inhabituelle. Le premier à vaincre son embarras et à prendre la parole, fut un vieux conseiller fidèle qui avait déjà servi le père du roi qui d'ailleurs avait été aussi gros que son fils.
- Sir, fit-il, je ne me permettrais pas de remettre en question l'avis de sa Majesté la Reine. Mais, à mon humble opinion, un petit ventre arrondi ne met nullement en danger ni votre votre réputation ni votre puissance. Bien au contraire, cela vous prête une allure respectueuse. Aucun des rois de Chocota depuis trois générations n'étaient point plus minces que vous et jamais personne n'aurait osé les critiquer pour cela. Votre rondeur ne témoigne que de votre joie de vivre et de votre bon humeur qui, contrairement à ce que suggère la Reine, rassure vos sujets.
- Comme j'aimerais vous donner raison !, répondit le roi hésitant. Pourtant, bien que je puisse jouir de l'amour de mes sujets tel que je suis maintenant, je risque de perdre l'amour de ma reine.
- Sir, prit la parole un des médecins étrangers, je peux vous guérir ainsi que j'avais déjà guéri plusieurs rois et sultans souffrant du surpoids. Mais pour trouver une remède, d'abord nous devons identifier la source du problème. Auriez-vous une idée de la cause de votre surpoids ?
- Pas la moindre, répondit le roi.
- Pardonnez-moi mon audace, mais ne seriez vous pas un petit peu trop gourmand ?
- Pas plus que n'importe quel roi. Est-il possible d'ailleurs d'imaginer un roi frugal malgré toutes les bonnes choses qui se préparent dans les cuisines royales et qui sont servies fraiches et odorantes sur nos tables ?
- Je vous assure que je vous comprends tout à fait. Mais n'y-a-t-il pas par hasard un aliment que vous préférez à toutes autres choses ?
- Si, avoua le roi après quelques secondes d'hésitation, le chocolat...
- En consommez-vous beaucoup ?
- Non, vraiment pas beaucoup. Enfin... Pas toujours beaucoup. Il y a des jours où je me contente d'assez peu et seulement entre les repas.
- Cela signifie, si je vous suis bien, que vous en mangez au moins deux ou trois fois par jour...
- Oui, ça me paraît juste. Est-ce que cela peut être considéré comme trop ?
- Ça dépend, répondit le médecin, mais puisque vous désirez maigrir, je crains que nous devrions diminuer votre consommation de chocolat.
- Ô, mon ami, j'ai bien peur que la reine ait raison et que cela ne soit guère possible. Le chocolat, quelque soit sa forme, sa couleur ou son goût est ma plus grande faiblesse. Dès que je sens son odeur ou que quelque chose me le rappelle par sa couleur, je n'arrive plus à penser à autre chose. Il m'est impossible de résister.
Il y avait, parmi les assemblés, un jeune courtisan peu rusé et peu expérimenté mais qui voulait, à tout prix, attirer l'attention du roi pour bénéficier de sa bonne volonté et des privilèges.
- Sir, dit-il, je ne vois qu'une solution, pourtant je vous garantie qu'elle sera efficace.
- Parle-moi donc !
- Il faut que vous interdisiez la production du chocolat dans votre royaume. Ainsi, il n'y aura plus de tentation. De plus, ce serait une mesure parfaitement digne d'un roi puissant et sérieux.
Bien que le roi fut profondément attristé par cette idée, il ne voulut pas se montrer encore plus faible. Il donna son accord pour cette initiative étrange.
Les semaines qui suivirent cette décision étaient tristes et même désastreuses surtout pour les chocolatiers et les enfants.
Quand les messagers du roi arrivèrent aux chocolatiers avec le nouveau décret du roi, ils furent tous obligés de fermer leurs portes. Beaucoup d'entre eux perdirent leur travail. Les plus grands maîtres de la chocolaterie furent obligés soit de changer de métier, soit de quitter leur pays. Une mélancolie sans douceur commençait à accabler les habitants du royaume.
Un beau jour, un jeune voyageur arriva un royaume de Chocota. Le jeune homme était l'arrière petit fils d'un des plus grands artisans chocolatiers de Chocota. Le jeune homme, en restant fidèle à la tradition familiale, était lui-même pâtissier, spécialiste au moelleux au chocolat. Il partit à la recherche des recettes nouvelles et anciennes pour perfectionner son savoir-faire. Ayant parcouru un long chemin, il fut fort fatigué en lorsqu'il arriva à Chocota. son seul désir fut de se reposer en sirotant un bon chocolat chaud mousseux et crémeux, accompagné d'un gâteau au chocolat bien croustillant. Mais, à sa grande surprise, il trouva les portes de tous les chocolatiers de Chocota fermées à clé. Ne sachant pas quoi faire, il s'adressa à un triste vieillard, accroupi sur le trottoir :
- Oncle, sais-tu où puis-je me procurer un bon chocolat chaud ?
- Haha... ricana le vieillard... Cette chose, tu la cherches en vain par ici. Tu dois venir de bien loin si tu ne sais pas que cette chose délicieuse en toute ses formes et tous ses états est interdite par sa Majesté le Roi de Chocota. D'ailleurs, tu ferais mieux de ne même pas prononcer le mot. Cette loi, qui nous est imposée depuis quelques mois a bien changé les mœurs dans ce pays. Tu ne vois guère de gens joyeux. Ils sont irritables ou apathiques. Mais avant tout c'est l'ambiance de la cour qui a changé profondément. Notre roi, jadis si généreux envers son peuple est devenu insensible et il est toujours d'une humeur sombre.
« Comment est-ce possible, se demanda le jeune homme stupéfait, que le chocolat soit interdit dans la cour de Chocota, là, où mon arrière-grand-père avait préparé des moelleux et des fondants au chocolat les plus délicieux du monde pour le roi en personne ? C'est insensé. Il faut que je trouve la clé de ce mystère. » Il se rendit alors à la taverne. « Faute de chocolat, je prendrai une bonne pinte de bière, se dit-il, et puis c'est aussi le lieu idéal pour m'informer au sujet de cette loi singulière. Les gens qui boivent sont plus bavards. » Il n'était que quatre heures de l'après-midi mais la taverne fut déjà remplie d'hommes et de femmes de jeunes et de vieux beaucoup d'entre eux étant déjà saouls. Il ne s'en douta pas encore, mais notre jeune voyageur n'aurait pas pu trouver de meilleur endroit pour obtenir ce qu'il cherchait. En effet, tous les anciens pâtissiers et chocolatiers ainsi que tous les adeptes du chocolat passaient leur temps ici pour noyer leur chagrin dans l'eau de vie et le vin. Néanmoins, il fallait être fort délicat et prudent pour aborder ce sujet si sensible devant ce public singulier. Dès qu'il comprit le malheur qui leur eut arrivé, il décida de s'installer pour quelque temps dans la ville de Chocota pour aider ses habitants à rétablir l'ordre et surtout la production du chocolat. Il revenait chaque jour à la taverne pour discuter avec ses habitués.
Petit à petit il réussit à gagner leur confiance et à convaincre certains d'entre eux d'agir. Les médecins se mirent à évoquer les bienfaits du chocolat devant leurs clients : « Il retarde le vieillissement de la peau, il stimule le cerveau et redonne la bonne humeur. Il est même efficace contre certaines maladies du foie. » Les prêcheurs publiques, les prêtres, les rabbins et les imams prônaient le chocolat devant les fidèles : « Le chocolat adouci la dureté, il est un bon conseiller au temps des chagrins. Le chocolat plaît au Dieu, sinon il n'aurait pas créé de cacaotiers. »
Au bout de quelque temps, l'ambiance générale était déjà complètement altéré en faveur du chocolat et la plupart des habitants de Chocota réussirent à vaincre leur peur de la colère du roi. Ils furent donc prêts à se réunir pour cette cause qui mettait un accord entre tous indépendamment de leurs ethnies, leurs religions, leurs sexes ou leurs âges. A ce moment le jeune voyageur vit le moment venu pour se mettre à l'œuvre ! Il se lança dans l'élaboration de son grand projet qui avait pour but de convaincre le roi en personne. Il réunit tous les chocolatiers, tous les artistes, sculpteurs, peintres et architectes, des constructeurs et les mâcons et même des contrebandiers. Ils se mirent d'accord que le chocolat à importer fût fondu et déguisé en peinture. Les contrebandiers, à l'aide des mâcons remplirent de gros bateaux de chocolat fondu sous la direction des constructeurs et des architectes. Trois tonnes de chocolat arrivèrent : blanc, noir et au lait, tous de la meilleure qualité. C'était alors le tour des chocolatiers : en secret, ils eurent déjà équipé un atelier gigantesque juste à l'entrée de la ville, pour y travailler le chocolat avec une maîtrise parfaite : il le tempérèrent pour rendre sa couleur brillante, pure et éclatante. C'était maintenant aux artistes de prendre le relais : sculpteurs, peintres et architectes travaillèrent jour et nuit sans relâche pendant trois semaines jusqu'à ce que la grande œuvre soit finie. Ils sculptèrent la statue du roi en chocolat. Sa taille était imposante : plus grande que la taille réelle du roi. Il le sculptèrent tel qu'il avait été auparavant lorsqu'il aimait encore le chocolat : avec son ventre bien arrondi, son visage rond et souriant. Puis, ils organisèrent l'inauguration : les boulangers et les pâtissiers préparèrent plein de bonnes choses, bien entendue, toutes à la base de chocolat. Il y avait du poulet au chocolat noir mexicain, chocolat chaud piquant, liqueur au chocolat noir et blanc coulant des tonneaux à volonté, des centaines de sortes de gâteaux au chocolat aromatisés de vanille, parfumés de fleur d'oranger, servis avec des fruits frais, chauds et froids. Les invitations furent distribuées parmi les habitants de la ville et envoyés à la cour aussi. Le roi y était nommé comme l'invité d'honneur des festivités mais ce qu'il allait voir lui resta une surprise.
Le jour venu, tous les habitants de la ville étaient présents autour de la grande statue depuis déjà plusieurs heures avant l'ouverture officielle. Ils attendaient le roi.
Il arriva enfin sur le dos de son cheval, accompagné de ses courtisans et ses courtisanes, ses conseillers et sa femme. On n'entendit aucun bruit, même les enfants gardèrent la silence malgré leur excitation en présence de toute cette douceur dont ils étaient dépourvus depuis presque une année. La foule guettait avec inquiétude que le roi descende de son cheval et s'approche de la statue. Ils étaient prêts pour le pire aussi bien que pour le meilleur. Le roi, se tenant devant sa copie fidèle observait la statue. D'abord il parut plutôt indifférent à l'égard de cette chef-d’œuvre comme il l'était envers la plupart des choses depuis l'émission de son décret interdisant le chocolat. Tout d'un coup, son visage s'éclaira pendent le temps d'un clin d'œil puis s'obscurcit de nouveau.
- Vous avez donc désobéi à mes ordres !, dit-il d'une voix sévère.
- Quelle insolence, quelle scandale, ajouta la reine indignée.
- N'est-ce pas ma reine ?, reprit le roi en fonçant les sourcils, qui est responsable pour cette... Cette acte révolutionnaire ?
Le jeune voyageur sincère et brave comme il était, se mit devant le roi en regardant tout droit dans ses yeux :
- C'est moi, Sir.
- Qui es-tu ? Es-tu étranger ? N'as tu pas entendu de mon décret ?
- Si, Sir, j'en ai entendu. C'est justement la raison pour laquelle j'ai incité tes sujet à te désobéir. C'est entièrement de ma faute. Et non, Sir, je ne suis pas étranger quand bien même je ne vis pas dans ton royaume. Mon arrière-grand-père était chef-pâtissier dans la cour de ton arrière-grand-père...
- Et tu crois que cela t'autorise à me désobéir ? Et vous, qui avez travaillé sur cette chose ? Il vous n'a pas forcé, je suppose... Montrez-vous !
Honteux et humbles, les chocolatiers et les artistes s'approchèrent du roi
- Pour qui vous prenez vous ?
Comme personne n'osa répondre, le roi continua :
- Eh bien, je vais vous dire qui vous êtes : les artisans les plus habiles du monde !, dit-il en s'éclatant de rire. Et vous savez, continua en jetant un clin d'œil vers son entourage, et en particulier vers sa femme et son jeune conseiller, c'est bien meilleur pour vous que je ne sois pas maigre puisque je vais vous récompenser avec tant d'argent que pèse cette statue ! Je veux que l'art de la chocolaterie soit plus florissant ici que n'importe où dans le monde.
Suivant le discours du roi, la fête commença et dura jusqu'à l'aube. Les gens dansaient, mangeaient, buvaient et chantaient tous ensemble en célébrant le roi, le jeune voyageur brave mais surtout le chocolat. Dans cette assemblée joyeuse, même la reine réussit à oublier qu'elle aurait préféré le roi plus mince.
Le voyageur reprit son chemin le lendemain, convaincu que les meilleurs chocolatiers du monde vivaient en Chocota. En voyageant, il ne cessait pas de répandre des anecdotes sur leur savoir-faire et leur habileté, et, en effet, à Chocota, dès ce jour, artistes et pâtissiers, chocolatiers et peintres travaillent ensemble pour créer des œuvres d'art en chocolat jusqu'à nos jours.
- Votre Majesté est trop gros. Un tel défaut ne convient point à un roi.
Le mécontentement perpétuel de sa femme irritait le roi mais il n'en souciait pas trop. Néanmoins, un beau jour, la reine alla jusqu'à menacer son mari :
- Si vous n'êtes pas capable de faire des effort afin de maigrir, cela signifie que vous manquez de volonté et vous ne méritez plus ni le respect de vos sujets ni le mien. Faites quelque chose, je vous en prie, sinon, je serai obligée de vous quitter pour le roi puissant et sérieux du royaume de Chocuda.
A ces paroles, le roi fut terriblement alerté mais il ne savait pas comment se mettre à un régime. Il décida donc de demander du secours auprès des gens les plus instruits et les plus avisés de sa cour. Il fit même venir des médecins des contrées lointaines réputés dans la guérison du surpoids. Les conseillers, les ministres et les médecins se réunirent alors pour débattre le sujet du régime du roi. Le séance fut présidé par le roi en personne.
- Messieurs, fit le roi, comme vous le savez, je vous ai fait venir pour résoudre un problème extrêmement sérieux. Je vous prie de le considérer comme une affaire d'état de la plus grande importance. Selon sa Majesté la Reine, ma réputation en tant que roi puissant serait en danger si je ne réussissais pas à maigrir. Avez-vous de bon conseils à me donner ?
Les hommes d'état furent perplexes devant cette demande inhabituelle. Le premier à vaincre son embarras et à prendre la parole, fut un vieux conseiller fidèle qui avait déjà servi le père du roi qui d'ailleurs avait été aussi gros que son fils.
- Sir, fit-il, je ne me permettrais pas de remettre en question l'avis de sa Majesté la Reine. Mais, à mon humble opinion, un petit ventre arrondi ne met nullement en danger ni votre votre réputation ni votre puissance. Bien au contraire, cela vous prête une allure respectueuse. Aucun des rois de Chocota depuis trois générations n'étaient point plus minces que vous et jamais personne n'aurait osé les critiquer pour cela. Votre rondeur ne témoigne que de votre joie de vivre et de votre bon humeur qui, contrairement à ce que suggère la Reine, rassure vos sujets.
- Comme j'aimerais vous donner raison !, répondit le roi hésitant. Pourtant, bien que je puisse jouir de l'amour de mes sujets tel que je suis maintenant, je risque de perdre l'amour de ma reine.
- Sir, prit la parole un des médecins étrangers, je peux vous guérir ainsi que j'avais déjà guéri plusieurs rois et sultans souffrant du surpoids. Mais pour trouver une remède, d'abord nous devons identifier la source du problème. Auriez-vous une idée de la cause de votre surpoids ?
- Pas la moindre, répondit le roi.
- Pardonnez-moi mon audace, mais ne seriez vous pas un petit peu trop gourmand ?
- Pas plus que n'importe quel roi. Est-il possible d'ailleurs d'imaginer un roi frugal malgré toutes les bonnes choses qui se préparent dans les cuisines royales et qui sont servies fraiches et odorantes sur nos tables ?
- Je vous assure que je vous comprends tout à fait. Mais n'y-a-t-il pas par hasard un aliment que vous préférez à toutes autres choses ?
- Si, avoua le roi après quelques secondes d'hésitation, le chocolat...
- En consommez-vous beaucoup ?
- Non, vraiment pas beaucoup. Enfin... Pas toujours beaucoup. Il y a des jours où je me contente d'assez peu et seulement entre les repas.
- Cela signifie, si je vous suis bien, que vous en mangez au moins deux ou trois fois par jour...
- Oui, ça me paraît juste. Est-ce que cela peut être considéré comme trop ?
- Ça dépend, répondit le médecin, mais puisque vous désirez maigrir, je crains que nous devrions diminuer votre consommation de chocolat.
- Ô, mon ami, j'ai bien peur que la reine ait raison et que cela ne soit guère possible. Le chocolat, quelque soit sa forme, sa couleur ou son goût est ma plus grande faiblesse. Dès que je sens son odeur ou que quelque chose me le rappelle par sa couleur, je n'arrive plus à penser à autre chose. Il m'est impossible de résister.
Il y avait, parmi les assemblés, un jeune courtisan peu rusé et peu expérimenté mais qui voulait, à tout prix, attirer l'attention du roi pour bénéficier de sa bonne volonté et des privilèges.
- Sir, dit-il, je ne vois qu'une solution, pourtant je vous garantie qu'elle sera efficace.
- Parle-moi donc !
- Il faut que vous interdisiez la production du chocolat dans votre royaume. Ainsi, il n'y aura plus de tentation. De plus, ce serait une mesure parfaitement digne d'un roi puissant et sérieux.
Bien que le roi fut profondément attristé par cette idée, il ne voulut pas se montrer encore plus faible. Il donna son accord pour cette initiative étrange.
Les semaines qui suivirent cette décision étaient tristes et même désastreuses surtout pour les chocolatiers et les enfants.
Quand les messagers du roi arrivèrent aux chocolatiers avec le nouveau décret du roi, ils furent tous obligés de fermer leurs portes. Beaucoup d'entre eux perdirent leur travail. Les plus grands maîtres de la chocolaterie furent obligés soit de changer de métier, soit de quitter leur pays. Une mélancolie sans douceur commençait à accabler les habitants du royaume.
Un beau jour, un jeune voyageur arriva un royaume de Chocota. Le jeune homme était l'arrière petit fils d'un des plus grands artisans chocolatiers de Chocota. Le jeune homme, en restant fidèle à la tradition familiale, était lui-même pâtissier, spécialiste au moelleux au chocolat. Il partit à la recherche des recettes nouvelles et anciennes pour perfectionner son savoir-faire. Ayant parcouru un long chemin, il fut fort fatigué en lorsqu'il arriva à Chocota. son seul désir fut de se reposer en sirotant un bon chocolat chaud mousseux et crémeux, accompagné d'un gâteau au chocolat bien croustillant. Mais, à sa grande surprise, il trouva les portes de tous les chocolatiers de Chocota fermées à clé. Ne sachant pas quoi faire, il s'adressa à un triste vieillard, accroupi sur le trottoir :
- Oncle, sais-tu où puis-je me procurer un bon chocolat chaud ?
- Haha... ricana le vieillard... Cette chose, tu la cherches en vain par ici. Tu dois venir de bien loin si tu ne sais pas que cette chose délicieuse en toute ses formes et tous ses états est interdite par sa Majesté le Roi de Chocota. D'ailleurs, tu ferais mieux de ne même pas prononcer le mot. Cette loi, qui nous est imposée depuis quelques mois a bien changé les mœurs dans ce pays. Tu ne vois guère de gens joyeux. Ils sont irritables ou apathiques. Mais avant tout c'est l'ambiance de la cour qui a changé profondément. Notre roi, jadis si généreux envers son peuple est devenu insensible et il est toujours d'une humeur sombre.
« Comment est-ce possible, se demanda le jeune homme stupéfait, que le chocolat soit interdit dans la cour de Chocota, là, où mon arrière-grand-père avait préparé des moelleux et des fondants au chocolat les plus délicieux du monde pour le roi en personne ? C'est insensé. Il faut que je trouve la clé de ce mystère. » Il se rendit alors à la taverne. « Faute de chocolat, je prendrai une bonne pinte de bière, se dit-il, et puis c'est aussi le lieu idéal pour m'informer au sujet de cette loi singulière. Les gens qui boivent sont plus bavards. » Il n'était que quatre heures de l'après-midi mais la taverne fut déjà remplie d'hommes et de femmes de jeunes et de vieux beaucoup d'entre eux étant déjà saouls. Il ne s'en douta pas encore, mais notre jeune voyageur n'aurait pas pu trouver de meilleur endroit pour obtenir ce qu'il cherchait. En effet, tous les anciens pâtissiers et chocolatiers ainsi que tous les adeptes du chocolat passaient leur temps ici pour noyer leur chagrin dans l'eau de vie et le vin. Néanmoins, il fallait être fort délicat et prudent pour aborder ce sujet si sensible devant ce public singulier. Dès qu'il comprit le malheur qui leur eut arrivé, il décida de s'installer pour quelque temps dans la ville de Chocota pour aider ses habitants à rétablir l'ordre et surtout la production du chocolat. Il revenait chaque jour à la taverne pour discuter avec ses habitués.
Petit à petit il réussit à gagner leur confiance et à convaincre certains d'entre eux d'agir. Les médecins se mirent à évoquer les bienfaits du chocolat devant leurs clients : « Il retarde le vieillissement de la peau, il stimule le cerveau et redonne la bonne humeur. Il est même efficace contre certaines maladies du foie. » Les prêcheurs publiques, les prêtres, les rabbins et les imams prônaient le chocolat devant les fidèles : « Le chocolat adouci la dureté, il est un bon conseiller au temps des chagrins. Le chocolat plaît au Dieu, sinon il n'aurait pas créé de cacaotiers. »
Au bout de quelque temps, l'ambiance générale était déjà complètement altéré en faveur du chocolat et la plupart des habitants de Chocota réussirent à vaincre leur peur de la colère du roi. Ils furent donc prêts à se réunir pour cette cause qui mettait un accord entre tous indépendamment de leurs ethnies, leurs religions, leurs sexes ou leurs âges. A ce moment le jeune voyageur vit le moment venu pour se mettre à l'œuvre ! Il se lança dans l'élaboration de son grand projet qui avait pour but de convaincre le roi en personne. Il réunit tous les chocolatiers, tous les artistes, sculpteurs, peintres et architectes, des constructeurs et les mâcons et même des contrebandiers. Ils se mirent d'accord que le chocolat à importer fût fondu et déguisé en peinture. Les contrebandiers, à l'aide des mâcons remplirent de gros bateaux de chocolat fondu sous la direction des constructeurs et des architectes. Trois tonnes de chocolat arrivèrent : blanc, noir et au lait, tous de la meilleure qualité. C'était alors le tour des chocolatiers : en secret, ils eurent déjà équipé un atelier gigantesque juste à l'entrée de la ville, pour y travailler le chocolat avec une maîtrise parfaite : il le tempérèrent pour rendre sa couleur brillante, pure et éclatante. C'était maintenant aux artistes de prendre le relais : sculpteurs, peintres et architectes travaillèrent jour et nuit sans relâche pendant trois semaines jusqu'à ce que la grande œuvre soit finie. Ils sculptèrent la statue du roi en chocolat. Sa taille était imposante : plus grande que la taille réelle du roi. Il le sculptèrent tel qu'il avait été auparavant lorsqu'il aimait encore le chocolat : avec son ventre bien arrondi, son visage rond et souriant. Puis, ils organisèrent l'inauguration : les boulangers et les pâtissiers préparèrent plein de bonnes choses, bien entendue, toutes à la base de chocolat. Il y avait du poulet au chocolat noir mexicain, chocolat chaud piquant, liqueur au chocolat noir et blanc coulant des tonneaux à volonté, des centaines de sortes de gâteaux au chocolat aromatisés de vanille, parfumés de fleur d'oranger, servis avec des fruits frais, chauds et froids. Les invitations furent distribuées parmi les habitants de la ville et envoyés à la cour aussi. Le roi y était nommé comme l'invité d'honneur des festivités mais ce qu'il allait voir lui resta une surprise.
Le jour venu, tous les habitants de la ville étaient présents autour de la grande statue depuis déjà plusieurs heures avant l'ouverture officielle. Ils attendaient le roi.
Il arriva enfin sur le dos de son cheval, accompagné de ses courtisans et ses courtisanes, ses conseillers et sa femme. On n'entendit aucun bruit, même les enfants gardèrent la silence malgré leur excitation en présence de toute cette douceur dont ils étaient dépourvus depuis presque une année. La foule guettait avec inquiétude que le roi descende de son cheval et s'approche de la statue. Ils étaient prêts pour le pire aussi bien que pour le meilleur. Le roi, se tenant devant sa copie fidèle observait la statue. D'abord il parut plutôt indifférent à l'égard de cette chef-d’œuvre comme il l'était envers la plupart des choses depuis l'émission de son décret interdisant le chocolat. Tout d'un coup, son visage s'éclaira pendent le temps d'un clin d'œil puis s'obscurcit de nouveau.
- Vous avez donc désobéi à mes ordres !, dit-il d'une voix sévère.
- Quelle insolence, quelle scandale, ajouta la reine indignée.
- N'est-ce pas ma reine ?, reprit le roi en fonçant les sourcils, qui est responsable pour cette... Cette acte révolutionnaire ?
Le jeune voyageur sincère et brave comme il était, se mit devant le roi en regardant tout droit dans ses yeux :
- C'est moi, Sir.
- Qui es-tu ? Es-tu étranger ? N'as tu pas entendu de mon décret ?
- Si, Sir, j'en ai entendu. C'est justement la raison pour laquelle j'ai incité tes sujet à te désobéir. C'est entièrement de ma faute. Et non, Sir, je ne suis pas étranger quand bien même je ne vis pas dans ton royaume. Mon arrière-grand-père était chef-pâtissier dans la cour de ton arrière-grand-père...
- Et tu crois que cela t'autorise à me désobéir ? Et vous, qui avez travaillé sur cette chose ? Il vous n'a pas forcé, je suppose... Montrez-vous !
Honteux et humbles, les chocolatiers et les artistes s'approchèrent du roi
- Pour qui vous prenez vous ?
Comme personne n'osa répondre, le roi continua :
- Eh bien, je vais vous dire qui vous êtes : les artisans les plus habiles du monde !, dit-il en s'éclatant de rire. Et vous savez, continua en jetant un clin d'œil vers son entourage, et en particulier vers sa femme et son jeune conseiller, c'est bien meilleur pour vous que je ne sois pas maigre puisque je vais vous récompenser avec tant d'argent que pèse cette statue ! Je veux que l'art de la chocolaterie soit plus florissant ici que n'importe où dans le monde.
Suivant le discours du roi, la fête commença et dura jusqu'à l'aube. Les gens dansaient, mangeaient, buvaient et chantaient tous ensemble en célébrant le roi, le jeune voyageur brave mais surtout le chocolat. Dans cette assemblée joyeuse, même la reine réussit à oublier qu'elle aurait préféré le roi plus mince.
Le voyageur reprit son chemin le lendemain, convaincu que les meilleurs chocolatiers du monde vivaient en Chocota. En voyageant, il ne cessait pas de répandre des anecdotes sur leur savoir-faire et leur habileté, et, en effet, à Chocota, dès ce jour, artistes et pâtissiers, chocolatiers et peintres travaillent ensemble pour créer des œuvres d'art en chocolat jusqu'à nos jours.